Tatsiana Zelianko: «Suggérer des histoires»
Trois compositrices présentent, dans le cadre des «rainy days», leurs nouvelles œuvres consacrées à des films d’Alfred Hitchcock. La Biélorusse Tatsiana Zelianko, installée au Luxembourg depuis 2008, a choisi le film «The Lodger. A Story of the London Fog» de 1927.
Trois compositrices présentent, dans le cadre des «rainy days», leurs nouvelles œuvres consacrées à des films d’Alfred Hitchcock: la Norvégienne Maja S. K. Ratkje, la Belge Annelies van Parys et Tatsiana Zelianko. La Biélorusse, installée au Luxembourg depuis 2008, a choisi le film «The Lodger. A Story of the London Fog» de 1927.
«Bernhard Günther (le dramaturge des «rainy days», ndlr) m’a proposé le projet et m’a donné le choix entre trois films d’Hitchcock. J’ai choisi ‘The Lodger’ pour l’histoire et pour le jeu de l’acteur principal Ivor Novello», note Tatsiana Zelianko.
Après avoir visionné le film une dizaine de fois – «sans faire de notes» –, la compositrice couche tout d’abord sur papier de nombreuses idées musicales. C’est en les transcrivant dans le logiciel de notation musicale Sibelius qu’elle constate qu’il «n’y avait vraiment rien d’utilisable. J’ai décidé de tout jeter, un mois de travail pour rien».
Un thème initial
Pour la suite, Tatsiana Zelianko change d’approche. C’est au piano que cette fois-ci elle élabore un thème central. Cette ossature initiale servira de base à l’ensemble de la partition. «Cette idée est développée, variée, transformée.»
En janvier 2015, l’OPL crée «In itinere», la première œuvre symphonique de Tatsiana Zelianko. Une expérience renouvelée avec la musique pour le film «The Lodger». La partition interprétée ce soir par l’ensemble Lucilin fait appel à un quintette à cordes, une flûte, un trombone, un piano et des percussions. «Ecrire pour un orchestre demande une approche différente et est plus difficile à mettre en place. Même si, dans ma partition, tout est chronométré, le live reste imprévisible», confie la musicienne qui, dans un premier temps, préfère ne pas se concentrer sur les couleurs sonores des instruments. «Lorsque je compose, j’imagine des dessins composés de lignes et de formes. Je ne pense pas forcément à des notes précises. Ce n’est que dans un deuxième temps que ces formes graphiques sont emplies de musiques. Une partition, c’est aussi quelque chose de visuel.»
Comme un livret d’opéra
Grâce aux «rainy days», Tatsiana Zelianko côtoie pour la première fois le cinéma. «J’ai traité l’histoire de ce film muet comme un livret d’opéra. La musique remplace les paroles. Pour moi, les notes et les images sont d’égale importance.»
Le souci de la compositrice a été de se calquer sur le rythme des images, sans pour autant suivre à la lettre le flux narratif de «The Lodger». «Alors que le film est divisé en dix chapitres, ma partition se compose de dix épisodes. La musique ne compte pas de pauses et se prolonge au-delà de la projection.»
Une fin ouverte
Le locataire est-il finalement un meurtrier? Hitchcock ne répond pas à la question. Aux spectateurs de trancher. La musique de Tatsiana Zelianko est censée renforcer cette situation de questionnement. A l’image de son œuvre présentée ce soir, pour la musicienne, le travail de composition consiste en grande partie à «suggérer des histoires».
Après des études musicales à Minsk, Tatsiana Zelianko s’est installée au Grand-Duché en 2008 avec, dans ses cartons, de nombreuses compositions écrites depuis son enfance mais qu’elle n’a pas eu l’occasion de présenter à ses professeurs. La jeune femme est rapidement admise dans les classes d’écriture et de composition d’Alexander Mullenbach et de Claude Lenners au Conservatoire de Luxembourg. Professeur de piano, de solfège et de chant pour enfants, la musicienne affectionne tout particulièrement son travail de compositrice. «J’aime créer du neuf, même si c’est épuisant. Il faut trouver sa personnalité sans copier tout ce qui a déjà été fait auparavant.»
La compositrice, qui aujourd’hui possède la double nationalité biélorusse et française, aime imaginer dans ses œuvres des ambiances de mystères aux contours subtils et raffinés. «Les femmes compositrices sont plus subjectives et soucieuses du détail que leurs confrères masculins. J’en suis convaincue.»